Adultère respectable… Mode d'emploi

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May 4, 2012

Séquences, La Revue Cinéma
AccèsCulture, May 4th, 2012

Same Time, Next Year
By Élie Castiel


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George et Doris, tous deux mariés, lui comptable du New Jersey, elle épouse et mère de famille de la californie, se rencontrent par hasard dans un motel et passent une nuit ensemble, comme ça, sans attaches. Un jeu tendre et innocent qui va se perpétuer le temps d’un week-end, d’année en année, à travers les quelques prochaines décennies.

Au cinéma, en 1978, deux brillants comédiens jouaient les rôles de George et de Doris : Alan Alda, au sommet de sa gloire, et Ellen Burstyn, déjà remarquée la même année dans Cri de femmes / Dream of Passion (adaptation cinématographique de la Médée d’Euripide, signée Jules Dassin), et des années plus tôt dans le brillant The Exorcist, de William Friedkin. L’adaptation à l’écran de Robert Mulligan se présentait comme un brillante et délicieuse comédie qui, pour l’époque, osait parler de ce qui se passe souvent, mais que la société bien-pensante occulte.

Des décennies plus tard, au théâtre, c’est avec nostalgie que nous traversons ces époques, magnifiquement mises en contexte grâce au soin méticuleux dans le choix des archives de George Allistair et de Patrick Boivin. La culture, la politique et le mode de vie défilent à une vitesse qui plonge le spectateur dans le souvenir, le poussant à revoir son propre itinéraire, le temps de quelques secondes.

Mais il y a aussi une mise en scène, celle d’une Diana Leblanc, tout à fait consciente des diverses époques qu’elle décrit, mais seulement en ce qui a trait aux personnages (changemements dans les tenues vestimentaires, dans les comportements, dans les coiffures, dans leur vision de la vie et de l’amour, et bien entendu, face à leur relation). Mais le décor, la chambre du motel, ne change pas, pareille comme au premier jour, comme si le temps d’une fin de semaine, le cycle de la durée s’arrêtait pour, en quelque sorte, redéfinir le moment.

Malgré le ton comique, Same Time, Next Year cache pourtant des parcelles de mélancolie, de nostalgie, de culpabilité et d’abandon dans son exploration de la condition humaine. Peut-on aimer les siens et en même temps tomber amoureux de quelqu’un d’autre? Simple question à laquelle Bernard Slade répond avec un tact et un humanisme bouleversants. Et c’est justement dans l’affranchissement de ce doux et délicieusement coupable écart de conduite que son œuvre prend toute son ampleur et sa signification, renouant pour ainsi dire et de façon admirable avec les surprises et les complexités affectives de la vie.

Et il y a aussi deux comédiens exceptionnels. Jamais le mot « naturel » n’a eu une si brillante définition, tant dans leurs gestes que dans leur débit face aux mots, pourtant simples, mais d’une force d’évocation magistrale. Car c’est dans la sobriété qu’on reconnaît le vrai talent. Michelle Giroux et R.H. Thomson dominent l’espace scénique et se l’approprient pour mieux le contrôler, épousant les formes de chaque recoin de ce petit Jardin d’Éden, qu’il s’agisse du lit, bien entendu, de la salle de bain, du piano, du petit salon. Et près de la porte, une fenêtre à l’ancienne d’où on voit l’éclairage changer selon le climat extérieur et les saisons. Comme ce couple adultère qui bouge avec les années et qui, le temps que dure l’ivresse de l’interdit, nous plonge dans l’émotion et nous ramène à l’ordre, au plus profond de nos désirs et de nos envies.

Disons-le sans ambages, Same Time, Next Year demeure sans contredit l’une des plus belles surprises théâtrales de la saison.

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