La grande séduction : Andrew Shaver met en scène The Graduate au Centre Segal (Le Devoir)

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August 28, 2014

Le Devoir
August 28, 2014
By François Lévesque


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« Madame Robinson, vous essayez de me séduire, n’est-ce pas ? » La réplique est passée à l’histoire, à l’instar des personnages et du film. Réalisé par Mike Nichols en 1967, The Graduatefut d’abord un roman de Charles Webb, publié en 1963. En 2000, le dramaturge Terry Johnson en tira une adaptation scénique, primée, qui ne cesse d’être jouée depuis. La version présentée au Centre Segal de Montréal dès le 31 août comporte, cela dit, un élément inédit, et pas des moindres, gracieuseté du metteur en scène Andrew Shaver.

On connaît l’histoire : après ses études, le timide et peu dégourdi Benjamin Braddock a une liaison avec l’épouse de l’associé de son père, Mrs. Robinson, avant de s’éprendre de la fille de celle-ci. Aussi célèbre que le film, la trame sonore signée Simon and Garfunkel fit date. Mais voilà, Andrew Shaver a plutôt choisi d’en commander une nouvelle aux auteurs-compositeurs-interprètes torontois Justin Rutledge et Matthew Barber.

« J’aime beaucoup la musique folk canadienne, et les sensibilités conjuguées de Justin et Matthew convenaient parfaitement à ma vision de la pièce, mais aussi du film, pour lequel j’ai une admiration sans borne. L’aisance de Mike Nichols à concilier humour absurde et mélodrame demeure une source d’inspiration importante pour moi. Or je trouvais important de distinguer notre production afin qu’elle puisse exister en dehors du mythe du film. La musique a été ma clef de voûte pour y arriver », explique le metteur en scène.

« Ces nouvelles chansons constituent plus qu’un habillage musical : elles commentent l’action de manière indirecte, impressionniste. Ça me semblait indispensable d’avoir ce point d’entrée par rapport au matériel qui, dans les années 1960, s’adressait à un public des années 1960. C’était contemporain à ce moment-là, quoique la réalisation de Mike Nichols fût à maints égards avant-gardiste. Près de 50 ans plus tard, l’adaptation scénique est ce qu’on appelle une pièce d’époque. Or je souhaitais l’imprégner d’un vrai regard contemporain. L’apport musical me permettait cela. Toute ma mise en scène a pris forme après cette prise de conscience », conclut Andrew Shaver.

Mrs. Robinson telle qu’en elle-même

= Lors de la répétition à laquelle les médias furent conviés, il était impossible de détacher les yeux de Brigitte Robinson qui, cela ne s’invente pas, incarne Mrs. Robinson. Intimidant ou grisant de s’attaquer à un rôle aussi iconique ? « Les deux », tranche la belle actrice, qui a roulé sa bosse de la France à Niagara-On-The-Lake, où elle réside maintenant, en passant par la Gaspésie.

« Je n’ai pas voulu revoir le film. Anne Bancroft y était sublime, mais la pièce amène le personnage ailleurs. Des scènes ont été ajoutées, notamment entre Mrs. Robinson et sa fille Helen, qui ont l’occasion de se vider le coeur au sujet de leur relation malsaine. »

Selon l’actrice, recul historique aidant, le personnage de Mrs. Robinson n’apparaît plus comme la méchante prédatrice d’autrefois. En fait, cette femme « cougar » avant la lettre relève davantage de la figure tragique. « Elle boit beaucoup. Elle est mariée à un homme qu’elle indiffère. Elle mène une existence dénuée d’intérêt et est probablement dépressive. Lors d’une scène fameuse, Benjamin la force à se confier. Elle avoue alors avoir étudié en art. Il y a beaucoup de dépit et d’amertume en elle. Ce n’est pas tant qu’elle pourchasse Benjamin, mais qu’ils se trouvent tous les deux à un moment-charnière de leur existence respective. Ils sont tous les deux un peu perdus et, brièvement, je crois qu’ils éprouvent vraiment de l’amour l’un pour l’autre. Puis elle le perd au profit de sa fille : c’est un double choc terrible », estime la comédienne.

Et Mrs. Robinson de déclarer : « Benjamin, je n’essaie pas de vous séduire ». Trop tard.

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