La nostalgie demeure toujours ce qu'elle était

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June 15, 2012

Séquences, la Revue Cinéma - June 15, 2012
By Élie Castiel


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Voyage musical au cœur du théâtre Yiddish, né dans les faubourgs et les centres urbains roumains au 19e siècle, se progageant à travers les décennies un peu partout en Europe de l’Est, pour finalement se retrouver à New York au cours des années 30.

Ils ont pour noms Abraham Goldfaden, Ida Kaminska et Molly Picon. Ils figurent parmi les légendes d’un théâtre particulier issu d’une revendication, de l’urgence d’affirmer son appartenance, de se situer dans la structure sociale, de contribuer à son émancipation tout en demeurant soi-même. Et pour le faire, inventer une langue commune, faite d’un mélange d’idiomes vernaculaires et d’hébreu, la langue perdue mais non pas oubliée, aucunement pour se départir du reste de la communauté, mais pour protéger son identité et s’assurer que le futur demeure plein de promesses. En quelque sorte, pour préserver la postérité.

Le Centre Segal des arts et de la scène propose une fin de saison délicieusement touchante, nostalgique, parfois même mélancolique, caractéristiques qui font partie de l’âme juive au même titre que celle des autres peuples issus de l’immigration, qu’elle soit italienne, portugaise, grecque, latine et même arabe. Et pour contourner ces étranges sentiments de la conscience, se perdre dans l’humour, la danse, la chanson et la religion. Pour situer cette analogie réciproque, il y a surtout une mise en scène, magnifiquement orchestrée par Bryna Wasserman et Audrey Finkelstein, totalement habitées par un tel projet. On sent de leur part, l’urgence de dire, mais surtout de raconter, de situer les assises d’un certain mouvement culturel dans l’histoire, de l’analyser tout en amusant. Dans ce périple musical inoubliable et envoûtant, les deux complices metteurs en scène ont pris un soin méticuleux à créer une ambiance à la fois européenne et américaine, donnant à John C. Danning l’occasion d’inventer un espace scénique à la fois riche et sobre, inventif et candide, naïf et réfléchi où tout s’appuie intelligemment sur l’art de la représentation.Des faubourgs roumains aux rythmes urbains d’un New York multi-ethnique, un répertoire qui reste le même, mais qui accueille aussi de nouvelles formes d’expression, qui s’adapte à une réalité sociale transformée. Les concepteurs de ce On 2nd Avenue l’ont compris. À travers ces tableaux lumineux, on voit passer le temps, les nouvelles modes qui s’imposent, les rythmes qui changent, les décors qui se réinventent.

Et surtout et avant tout, on retrouve avec un plaisir assuré le vieux théâtre de vaudeville et ces anciennes atmosphères intimes où la distance entre la scène et le public se brise comme par enchantement pour permettre au geste complice de s’affimer. Ils sont au-delà d’une trentaine de comédiens-chanteurs-danseurs. Certains sont Juifs, d’autres pas. Ils sont anglophones et francophones, sans doute aussi allophones. Et qu’importe, puisque On 2nd Avenue est aussi une célébration de l’humanité à travers le regard sur soi et sur l’autre. Confirmant ainsi qu’avec un brin de doux chagrin et de mal du pays contagieux, et pourquoi pas de tendre et chaleureux tempérament, on peut arriver à surmonter de façon magique et merveilleuse les tourments de l’âme.

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