Rétrospective Brakhage : le cinéma comme art visuel

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April 23, 2012

La Presse, Monday, April 23, 2012
By Mario Cloutier


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Admiré par Martin Scorsese et David Fincher, il a enseigné aux créateurs de South Park et au cinéaste d'animation Eric Darnell (Madagascar, Antz) en plus de réaliser plus de 300 films en 50 ans de carrière. Stan Brakhage reste cependant méconnu du grand public, même si tous les étudiants en cinéma le connaissent.

Au fil des ans, le Festival du nouveau cinéma a présenté quelques-unes de ses créations, mais au cours des prochains jours, les Montréalais auront le privilège de redécouvrir sur grand écran une vingtaine de ses films dans leur version originale en 16 mm. Cette mini-rétrospective est une merveilleuse idée du Centre Segal qui l'a préparée en collaboration avec la veuve du cinéaste, Marilyn Brakhage.

«Ces films sont rarement projetés et c'est une occasion idéale de pouvoir les apprécier, plus qu'en DVD», souligne la gardienne de la mémoire d'un des grands artistes de cinéma du siècle dernier, mort en 2003.

Les films de Brakhage peuvent durer de neuf secondes jusqu'à plus d'une heure. Depuis 1952, il a surtout créé en peignant directement sur la pellicule, des films muets, non narratifs qui se rapprochent de l'expressionnisme abstrait en peinture. Les films de Stan Brakhage peuvent également être décrits comme des poèmes visuels ou des musiques pour les yeux.

«Stan tentait d'évoquer quelque chose provenant de l'esprit en y plongeant très profondément parfois. Ses films tentent d'exprimer ce qu'est la nature même de la vue, de la vision. Tout son cinéma questionne le processus de la pensée», explique Mme Brakhage.

Ce qui ne signifie pas pour autant qu'il s'agit d'un art cérébral. Stan Brakhage avait l'habitude de dire qu'il tentait de nous amener à «voir les yeux fermés». Le montage et la rythmique des images, ainsi que l'explosion des couleurs à l'écran nous placent, au contraire, devant un phénomène hautement sensoriel, voire organique. Mais il y a plus.

«Dans la première partie de sa carrière, il s'intéressait beaucoup aux paysages. Mais on peut également parler de sa spiritualité. Même s'il n'était pas pratiquant, la vie de Stan s'est inscrite dans une quête métaphorique d'un au-delà, des mystères de l'univers.»

Les qualités visuelles et la beauté des images de films comme Panels for the Walls of Heaven ou encore ses Preludes peuvent d'ailleurs amener le spectateur à ressentir des émotions au diapason de ce que l'artiste vivait et cherchait à transmettre.

Stan Brakhage rêvait d'être poète (il adorait Cocteau), peintre (Jackson Pollock était son idole), ou musicien. Il était tout cela à la fois, au cinéma. Son art n'est pas plus aléatoire que cérébral. «Il n'y a pas d'accident dans son travail. Il était extrêmement méticuleux et rigoureux», note Marilyn Brakhage. Le cinéaste pouvait passer un an à travailler sur un film qui ne durait, finalement, que quelques secondes.

Sa passion, voire son obsession pour le travail artisanal auront probablement causé sa perte. Sa vue avait beaucoup décliné en raison de son refus de placer des verres entre le monde et ses yeux. En outre, son utilisation de teintures toxiques pour travailler la pellicule ne serait pas étrangère au cancer qui l'a emporté en 2003.

Stant Brakhage a laissé une oeuvre magistrale qui restera unique dans l'histoire de l'art cinématographique.

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Le Centre Segal présente quatre programmes de films de Stan Brakhage, ce soir à 20h30, demain à 18h, jeudi le 3 mai à 19h30 et samedi le 5 mai à 21h.

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