Sherlock Holmes - Critique

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May 13, 2013

MonThéâtre.qc.ca
May 10, 2013
By David Lefebvre


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Sherlock Holmes - Critique

Once you have eliminated the impossible, whatever remains, however improbable, must be the truth.

Depuis quelques années, Sherlock Holmes, le plus célèbre et grandiose « détective consultant » de l’histoire moderne de la littérature, semble inspirer les auteurs de fiction. Les adaptations des récits de Sir Arthur Conan Doyle envahissent le petit et le grand écran : après les deux films de Guy Ritchie, mettant en vedette Robert Downey Jr. et Jude Law, la BBC propose depuis 2010 l’extraordinaire adaptation contemporaine Sherlock, avec Benedict Cumberbatch et Martin Freeman. L’Amérique n’est pas en reste, récupérant l’idée d’une autre manière dans Elementary, à l’antenne de CBS depuis l’automne 2012, opposant Johnny Lee Miller et Lucy Liu. Ce n’était donc qu’une question de temps avant de voir arriver cet antihéros au théâtre.

C’est avec sa propre adaptation des récits de Conan Doyle que le Centre Segal termine sa saison anglophone, une pièce attendue avec beaucoup d’enthousiasme et d’impatience. Cette toute nouvelle mouture holmésienne, signée par l’auteur Greg Kramer, malheureusement décédé juste avant le début des premières répétitions, s’inspire de plusieurs nouvelles du fameux résident du 221B Baker Street. Nous sommes à Londres, au 19e siècle. La Chambre des lords, après un plaidoyer de Lord St. John pour la législation contrôlant le marché de l’opium, s’apprête à voter. Mais St John est kidnappé, et crie à sa femme de trouver un certain « Sherlock Holmes ». Au même moment, un homme mort, retrouvé près de la Tamise, les poches vides, intrigue l’inspecteur Lestrade de Scotland Yard, qui dépêche Holmes de venir résoudre cette énigme.

Cette version inédite des aventures de Sherlock Holmes pige au travers différents récits de Conan Doyle, sans s’occuper de la chronologie, pour créer une intrigue unique : nommons simplement les références les plus évidentes, soit A Study in Scarlet (la mythique rencontre entre Sherlock et Watson), A Sign of 4, The Empty House (d’où l’on tire Sebastian Moran, l’un des grands ennemis de Holmes), The Hound of the Baskervilles et The Man with the Twisted Lip.

Tout en respectant l’esprit des enquêtes du célèbre détective ainsi que son origine littéraire, en projetant, par exemple, les titres des différentes scènes à la manière de chapitres, le jeune metteur en scène Andrew Shaver, reconnu pour son travail avec le SideMart Theatrical Grocery, offre néanmoins une relecture ironique, voire satirique, de l’univers de Conan Doyle. Si la comédie l’emporte sur le suspense et l’intrigue, la pièce n’en est pas moins intéressante pour autant, loin de là. Les surprenantes déductions captivent toujours autant le public, et l’humour de certaines scènes – provoquant un fou rire du comédien principal lors de la première, chose rarissime au théâtre ces jours-ci – vient alléger de belle manière cette histoire de drogue, de magouille et de meurtre mystérieux, et se moquer gentiment du genre. La reproduction de l’enlèvement du lord à la manière d’un film muet, ou la scène d’hallucination psychédélique de Sherlock Holmes, où les personnages exécutent une chorégraphie digne d’un cauchemar, sont quelques exemples flagrants de la vision moderne et comique du metteur en scène. Certains éléments typiques, voire clichés, prennent une place de choix dans la production, dont la pipe, que Holmes fume sans arrêt, la cocaïne ou la légendaire casquette deerstalker.

La scénographie néo-victorienne de James Lavoie est épurée : la scène est vide, mis à part quelques accessoires, tables, chaises, escaliers, que l’on déplace allègrement. Une dizaine de panneaux mobiles viennent créer des éléments de décor subjectifs (murs, portes) et accueillir les jolies projections animées, en format négatif, des immeubles de Londres et des fleurs de pavot (George Allister et Patrick Andrew Boivin). Les éclairages du vétéran Luc Prairie jouent un rôle primordial dans la mise en scène du spectacle, imposant des ambiances contrastées, rappelant le film noir ou l’expressionnisme. La conception sonore de Jesse Ash vient admirablement bien compléter le tableau, grâce à une musique cinématographique éloquente et puissante.

Jay Baruchel offre un Holmes jeune, contemporain, singulier et intéressant, mélangeant plusieurs influences de différentes personnifications connues. Il manque, par contre, au jeu du comédien, une certaine dose d’assurance toute masculine – dans son langage corporel et lors des bagarres, entre autres – pour s’affirmer pleinement et être à la hauteur de la réputation de ce personnage qui meuble l’imaginaire collectif depuis plus de cent ans. Karl Graboshas se distingue dans le rôle plus classique du docteur Watson qu’il campe avec justesse. Graham Cuthbertson se démarque grâce à sa dangereuse interprétation du Colonel Moran, tireur d’élite et homme de main du Professeur Moriarty, que Kyle Gatehouse incarne avec panache et classe. Affublé d’un costume rouge flamboyant, ce dandy criminel ne passe définitivement pas inaperçu. Gemma James-Smith s’amuse dans le rôle d’Irene St. John, une dame qui cache plusieurs secrets. La distribution est brillamment complétée par Trent Pardy, Patrick Costello, Chip Chuipka, Matthew Gagnon, Deena Aziz et Mary Harvey.

Cette version de Sherlock Holmes se révèle un divertissement de haut niveau. Le rythme déjà accrocheur n’en deviendra que plus palpitant au cours des prochaines représentations ; le jeu, encore plus mystérieux et hilarant. De toute façon, avec une telle équipe à la conception et à la création, cette déduction s’avère… élémentaire.

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