The Mahalia Jackson Musical : Un écrin pour la voix de Ranee Lee

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March 22, 2013

Revue Jeu
March 12, 2013
By Lucie Renaud


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Mahalia Jackson a mené une carrière exceptionnelle. Propulsée par des enregistrements qui se vendront à plus d’un million d’exemplaires, elle a mené le gospel de l’intimité des églises baptistes au faste des grandes salles internationales. Elle chantera au prestigieux Carnegie Hall, connaîtra un triomphe sans précédent lors de sa première tournée européenne, animera une émission de télévision, collaborera avec l’orchestre de Duke Ellington, participera à l’intronisation du président John F. Kennedy, défendra les droits civiques des Noirs auprès de son ami Martin Luther King. On peut sans difficulté comprendre pourquoi l’auteur et metteur en scène Roger Peace, qui signe ici sa 106e production et avait déjà offert un autre musical taillé sur mesure à Ranee Lee, The New Billie Holiday Musical, a décidé de plonger dans l’univers de la «reine du gospel».

Le spectacle se révèle certes satisfaisant d’un point de vue musical. Ranee Lee, reine des nuits jazz des années 1980 et 1990, possède encore et toujours une voix impeccable (que l’on ne pourrait sous aucune considération associer à une femme de 70 ans!), juste, au vibrato naturel, à la puissance remarquable, à l’intensité unique. Actrice consommée, elle a su intégrer la gestuelle de Mahalia Jackson à son jeu, nous dupant à l’occasion, mais n’hésitant pas à proposer une lecture plus personnelle de certains succès. (Summertime de Gershwin, par exemple, superpose un arrangement au piano assez proche de l’original à une interprétation vocale originale et cohérente.) Le plus souvent seule avec son pianiste (Taurey Butler, également directeur musical de la production), parfois soutenue par les neuf membres de l’IGS Choir sous la direction de Marcia Bailey, elle émeut, incontestablement.

Pourtant, une vraie comédie musicale comprend par essence des chansons, des dialogues parlés, du jeu scénique et des numéros dansés. Il s’agit plutôt ici d’un collage presque pédagogique (ceux qui ne connaissent rien de la vie de Mahalia Jackson la découvriront avec plaisir), Ranee Lee se racontant en une série de tableaux, grand-mère assise au coin du feu qui revient sur son enfance, ses premières années à Chicago, mais effleure les années de tournée ou les rencontres importantes. On aurait aimé que les chansons servent de trame à une peinture d’époque, que la succession de moments semble moins plaquée, que certaines scènes soient développées avec grand déploiement, un défi impossible à relever avec deux comédiens en soutien, qui endossent tour à tour les rôles de membres de la famille ou de personnage historique.

Chapeau à Tristan D. Lalla, qui réussit à la fois à nous faire rire lorsqu’il interprète l’oncle de Mahalia ayant passé sa vie sur les rails, et frémir, quand il devient Martin Luther King prononçant son célèbre discours, I had a dream. Si ce moment reste puissant, il faut néanmoins s’interroger sur la pertinence de terminer une comédie musicale sur Mahalia Jackson par un numéro mettant en vedette un protagoniste «secondaire». Certes, la chorale, les quatre musiciens et les trois chanteurs offriront ensuite un dernier negro spiritual qui permettra au public de se dégourdir les jambes et de taper des mains, mais au niveau de l’arc dramatique, cela relève un peu de l’incohérence. Il faut néanmoins souligner le fait qu’après avoir ouvert ses portes à une production sud-africaine en début d’année, un théâtre sis dans un splendide centre communautaire juif choisisse d’inclure une comédie musicale sur une chanteuse afro-américaine qui a consacré sa vie à louer les louanges du Fils de Dieu à sa programmation. La musique avait peut-être besoin de nous rappeler son rôle de langage universel.

The Mahalia Jackson musical
Texte et mise en scène: Roger Peace
Une coproduction du Centre Segal et des Production Copa de Oro, au Centre Segal jusqu'au 24 mars

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