Théâtre - La couleur de l’argent

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December 15, 2012

Le Devoir
December 12, 2012
By Marie Labrecque


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Ici, on connaît le prolifique John Logan davantage pour ses scénarios (Gladiator, The Aviator, Hugo et… Skyfall) que pour ses pièces (Les oiseaux de proie, présentée chez Duceppe en 2001). Pas étonnant que la première montréalaise de Red soit revenue à l’ancien Centre Saidye-Bronfman : sa prémisse repose sur une importante commande passée au peintre Mark Rothko, en 1958, par Seagram - compagnie alors propriété de Samuel Bronfman - pour décorer le restaurant de son futur édifice new-yorkais. Un environnement clinquant qui se révélera ultimement contraire à sa vision contemplative de l’art.

Voilà pour l’anecdote. Couverte de prix à Broadway, Red s’appuie sur une formule somme toute classique : la relation entre un artiste célèbre et un débutant, un jeune assistant à qui le peintre a vite fait de préciser qu’il ne sera ni son père, ni son psy, ni même son mentor. Simplement son employeur. En Rothko, le texte met en lumière une personnalité forte, un créateur érudit, exigeant, très protecteur de ses oeuvres, dont il parle, curieusement, comme d’enfants fragiles. Mais aussi un être égocentrique et colérique, qui voit souvent rouge.

Certaines de ses diatribes - contre le relativisme culturel ou la tyrannie du constant divertissement - font plaisir à entendre. Quand il n’est pas en train de s’insurger contre la jeune génération, ces petits nouveaux qui veulent « le tuer » comme artiste, le pop art détrônant l’expressionnisme abstrait. Des gens qui peignent des boîtes de conserve (Warhol) et des bandes dessinées (Lichtenstein) ! Pas sérieux, cet art périssable, trop collé à l’époque actuelle…

Campée dans le studio de Rothko, minutieusement recréé sur scène par la scénographe Eo Sharp, la pièce prend vraiment son envol lorsque l’assistant gagne en assurance et ose remettre en question le maître, lui renvoyant ses contradictions.

Si la production paraît un peu sage (une scène de création, où le duo « s’attaque » littéralement à une toile, laisse cependant voir une énergie sauvage), Martha Henry dirige avec justesse ses deux acteurs « stratfordiens » : Jesse Aaron Dwyre, qui montre une fougue et un aplomb croissants, et le puissant Randy Hughson. Il faut entendre le récit déchirant de Rothko découvrant le futur décor de ses toiles. Le rapport entre l’art et l’argent : voilà une question qui se pose encore avec acuité aux créateurs, alors que les subventions gouvernementales tendent à se raréfier…

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